Image du 10 décembre 2016Image SENTINEL2 du 30 novembre 2016, « SWIR »
Mais que se passe-t-il ce 10 décembre 2016 à midi, au-dessus du village de Villelongue (à 15 kilomètres au sud de Lourdes) ? Un des plus beaux écobuages des Hautes-Pyrénées de cet hiver 2016/17 ! Une très large bande de feu actif se dirige vers le sud. Ce feu a démarré la veille d’après les contacts terrain. En 2 jours, une grande zone a donc déjà été brulée. La répétitivité de SENTINEL2 permet d’observer la même scène quelques jours avant et après ce feu.
Fonds de carte Open Street Map.
Image SENTINEL2 du 30 novembre 2016, quelques jours avant l’écobuage. Site web S2 playground, composition « SWIR ». La neige apparaît en bleu.
Image du 17 décembre 2016 « SWIR ». Villelongue. Le feu est terminé.
La zone brûlée est quasiment identique à celle de l’image du 10 décembre, ce qui signifie que le feu s’est arrêté le 10 au soir, ce qui est confirmé par les gens de terrain. Question : peut-on détecter les zones brûlées dans les parties à l’ombre des montagnes – faut-il attendre les images du printemps dans ces zones ombrées ?
 La détection des feux et la cartographie des zones brûlées est un sujet très ancien en télédétection. L’utilisation d’images quotidiennes basse résolution (Modis…) ou d’autres mieux résolues (Landsat, spot5 take5…) ont permis de valider des algorithmes robustes (ex : dNBR ) appliquées sur de nombreuses zones dans le monde. Simon Gascoin nous a très tôt sensibilisé sur l’intérêt de SENTINEL 2 sur ce sujet, et nous a fait voyager depuis août 2016, en Californie, au Chili, à Sumatra, et même au Lesotho : feux de forêts, de savanes… ! La résolution spatiale de SENTINEL 2 (20 mètres pour le moyen infra-rouge) et temporelle en font un outil d’observation particulièrement performant et adapté à ce sujet ! Avec Simon, nous sommes impliqués dans des actions et animations THEIA en Occitanie (cf ART, Animation Régionale Occitanie). Les Pyrénées sont l’objet de nombreux travaux. L’écobuage y est une pratique pastorale très ancienne qui permet par des brûlages dirigés en hiver, de régénérer des espaces afin d’augmenter leur valeur pastorale et fourragère : limitation des espèces ligneuses, stimulation des espèces herbacées. C’est un sujet de société complexe, avec ses avantages (maintien des espaces montagnards, ouverture du paysage, activité pastorale, diminution de certains risques…) et ses inconvénients (accidents liés à des écobuages non maîtrisés, pollution de l’air…). C’est un sujet que nous avions essayé de suivre par télédétection en 2013, avec l’expérience spot4 Take5, à la demande de plusieurs fédérations pastorales, mais très peu d’écobuages avaient eu lieu en 2013. Avec les premières images SENTINEL2, durant l’hiver 2015/16, nous avions observé quelques écobuages ; mais le nombre d’images SENTINEL2 était trop faible entre novembre 2015 et mai 2016 ; de plus, le nombre d’écobuages a été assez limité. Quelle ne fut pas la surprise de Simon de découvrir début janvier 2017, de nombreux feux en Ariège, sur le terrain comme sur les images SENTINEL2, dont le feu au dessus de Gourbit / Suc et Sentenac. Puis, jour après jour, image après image, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un nombre faramineux d’écobuages dans toutes les Pyrénées, surtout côté français, de manière quasi-continue, dès novembre 2016 jusqu’à aujourd’hui, fin mars 2017. Pour illustrer ces observations, voici ci-dessous, une série d’image SENTINEL2, du 28 octobre 2016 au 10 mars 2017 sur 3 vallées dans la partie centrale et ouest des Pyrénées françaises. A l’ouest, les vallées, vallée d’Aspe (Lescun…) et d’Ossau (Laruns Gabas, station de ski des Gourettes) dans les Pyrénées Atlantiques. A l’est de l’image, le val d’Azun et la Vallée de St Savin (Argelès Gazost, Estaing, Cauterets) dans les Hautes-Pyrénées. Les images ci-dessous ont été copiées à partir du site S2playground (http://apps.sentinel-hub.com/sentinel-playground). Comme expliqué dans les posts précédents de ce blog par Simon , une composition RGB des 3 bandes 12/8A/4 (Moyen Infra Rouge/Proche Infra-Rouge/Rouge) de SENTINEL2 permet de mettre en évidence les feux actifs, mais aussi les zones brulées. Cette composition colorée est proposée sur le site web S2playground sous le nom “SWIR”. La résolution spatiale est de 20 mètres.
Vallées d’Aspe, Ossau, Azin. Fonds de carte Open Street Map.
Image du 28 octobre 2016 « SWIR »
La végétation est encore très active. On repère plusieurs zones brunies le 8 octobre 2016 (entourées de bleu). D’après les images SENTINEL2 de l’hiver 2015/16, plusieurs de ces zones brunies correspondent à des feux actifs de l’hiver 2015/16 ; ce qui signifie dans ce cas, que ces traces de feux sont encore visibles 6/8 mois plus tard !
Image du 30 décembre 2016 « SWIR »
La Neige (en bleu) tombée début novembre a déjà beaucoup fondu. Les conditions sont favorables aux écobuages ! On repère sur cette image 2 feux actifs (entourés de jaune) et plusieurs zones brunies récemment (entourées de marron), à ne pas confondre avec les anciennes zones de 2015/16. Les experts de terrain nous ont confirmé qu’il s’agissait d’écobuages (cf partie ‘est’ à Villelongue).
Image du 19 janvier 2017 « SWIR »
La mi-janvier 2017 correspond au pic d’enneigement de cet hiver 2016/17 dans les Pyrénées ‘orientales’. La plupart des zones brulées est bien sûr recouverte de neige. Qu’est-ce qui sera visible après la fonte de la neige ? A noter les nuages et brouillards en fonds de vallée.
Image du 15 février 2017 « SWIR »
La neige a (déjà !) beaucoup fondue : on revoit les mêmes zones brunies (brulées ?) que sur l’image du 30 décembre, mais aussi d’autres nouvelles zones (entourées de violet), donc brunies/brulées entre le 31 déc. et le la mi-janvier 2017, ou début février.
Image du 18 février 2017 « SWIR »
Plus de 5 feux actifs sont visibles sur l’image du 18 février (entourés de jaune). On en observe un très gros au milieu de l’image. En haut à gauche de l’image, on observe une bande de feu actif : ce feu a déjà couvert une grande zone et se dirige vers l’est. Les experts pastoraux nous ont confirmé que certains écobuages se déroulent sur plusieurs jours.
Image du 10 mars 2016 « SWIR »
Au 10 mars, on constate de très nombreuses zones brunies au cours des 3 derniers mois, qui sont à priori tous des écobuages (et non des zones de fougères naturellement mortes…) . Deux petits feux sont encore actifs (en bas, à gauche, entourés de jaune). Y aura-t-il d’autres feux d’ici mai 2017  ? En mai 2016 par exemple, on voit encore des feux actifs sur les images SENTINEL2 de cette même zone ! Annie Cipières, du servie pastoral 65 (GIP-CRPGE), confirme leur grand nombre cet hiver et nous a donné l’explication principale : «de 2013 à 2016, peu d’écobuages ont pu être pratiqués de par les conditions de neige et la météorologie. Au contraire, durant l’hiver 2016/17, les conditions ont été particulièrement favorables  (automne sec, chute de neige précoce puis recul de l’enneigement…) ; ainsi, l’écobuage a été massivement pratiqué pour ‘rattraper’ les hivers précédents». L’hiver 2016/17 semble donc idéal pour étudier les possibilités de détection/suivi des écobuages dans les Pyrénées, car (1) le nombre d’écobuages a été très élevé, (2) la météo a été clémente (3) le nombre d’images sans nuages SENTINEL2A a été élevé : 1 à 3 images claires par mois de septembre 2016 à mars 2017. D’un point de vue méthodologique, l’objectif serait de pouvoir dater et cartographier, de manière automatique, les zones brulées. Il s’agit de comparer les images des mêmes zones avant et après l’écobuage (cf différence d’image, application de l’algorithme dNBR). Si ces démarches ont déjà été validées en forêts et savanes dans plusieurs régions du monde, il sera intéressant de vérifier si cela fonctionne dans le contexte des landes et pelouses de moyenne et haute altitude en Europe. Une question importante est celle de la confusion possible entre différents phénomènes à l’origine de ce changement de couleur. Par exemple, certains types de végétation, dans ces milieux, ont-ils aussi un changement de couleur similaire à certaines périodes de l’année, sans qu’il y ait de feux (exemple : lande à fougères lors de la mort des parties aériennes) ? Il sera facile d’avoir des références fiables pour certaines zones qui sont brulées : les feux actifs le jour de l’image sont détectés. De plus, de nombreux écobuages sont déclarés à l’administration. L’enjeu sera d’avoir des témoins non brulés et caractériser au niveau de la végétation. Grâce au nombre élevé d’images durant cet hiver 2016/17, on peut observer que toutes ces zones ‘brunies’ l’ont été de manière brusque, quelque soit l’altitude et l’exposition. L’hypothèse d’un changement de couleur de la végétation par sénescence est peu probable, car il serait plus progressif et en cohérence avec des effets climatiques (altitude, exposition, neige…). Il existe quelques cartes de végétation détaillée dans les Pyrénées, qui distinguent les différents types de landes et de pelouses : l’analyse de l’évolution de leur réflectance sera intéressante, non seulement pour vérifier qu’il n’y a pas confusion avec les écobuages, mais en soi-même, dans la perspective de mieux les classer (cf amélioration des cartes d’occupation du sol, comme le produit OSO de THEIA).  En conclusion, si nous arrivons à bien cartographier les écobuages 2016/17 et vérifier qu’il n’y a pas de confusion avec d’autres phénomènes, l’année 2016/17 constituera sans aucun doute une référence précise, à priori exhaustive, et ‘haute’, pour les années futures. Mais 2016/17 est-elle une année record d’écobuages dans les Pyrénées par rapport au passé ? Pour répondre à cette question, il faudrait disposer d’une archive avec des données comparables. Cela n’existe par en in situ (cf les déclarations). En télédétection, le nombre d’images Landsat ou d’archives Spot World Heritage, disponible depuis 1985, risque d’être souvent trop limité pour une telle cartographie, mais c’est à tester. Avis aux promeneurs : prenez des photos des zones brûlées ou non ce printemps et cet été 2017 et envoyez les nous (jean-francois.dejoux@cesbio.cnes.fr) ! Merci. Dejoux Jean-François, Gascoin Simon, CESBio , avec l’aimable contribution d’Annie Cipière (Service pastoral 65, GIP-CRPGE)

1 thoughts on “2016/17 : un record d’écobuages dans les Pyrénées ?

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