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Les aérosols jouent un rôle prépondérant dans les effets atmosphériques. Les aérosols sont des particules en suspension dans l’atmosphère, qui peuvent être de plusieurs types : grains de sable ou poussières, suies issues de combustion, sulfates ou sels marins entourés d’eau… Leur taille peut varier de 0.1 µm à quelques microns, en fonction du type d’aérosols ou de l’humidité de l’air. Quant à leur quantité, elle est extrêmement variable, une pluie pouvant réduire brutalement leur abondance (on parle d' »épaisseur optique d’aérosols »). Ils peuvent faire varier fortement d’un jour à l’autre les réflectances observables depuis le sommet de l’atmosphère et il est donc nécessaire de connaître leur quantité et leur type afin de pouvoir corriger leurs effets.

 

Malheureusement, pour corriger les effets des aérosols, on ne dispose pas de réseau global d’observation des aérosols, seulement d’observations locales, sur les quelques centaines de points du réseau Aeronet. Ce réseau ne peut donc pas être utilisé pour corriger opérationnellement les images de satellites sur de grandes étendues.Des modèles météorologiques commencent à prédire les quantités d’aérosols, en se basant sur les observations de satellites et la modélisation des sources et du transport des aérosols par les vents, mais ces données ne semblent pas encore avoir une précision suffisante pour être utilisées pour la correction atmosphérique des images.

 

Notre méthode de correction atmosphérique (MACCS) repose donc sur une estimation de l’épaisseur optique des aérosols à partir des images elles-mêmes. Pour bien comprendre le fonctionnement de cette méthode, il faut déjà comprendre les effets des aérosols sur le rayonnement. On a vu, dans ce billet, que les effets de la diffusion peuvent être modélisés ainsi (on suppose l’absorption gazeuse corrigée) :

ρTOA = ρatm +Td ρsurf

La réflectance au sommet de l’atmosphère ρTOA (Top of Atmosphere) est la somme de la réflectance atmosphérique ρatm et de la réflectance de surface ρsurf transmise par l’atmosphère. On cherche à connaître la réflectance de surface, mais à chaque mesure réalisée au sommet de l’atmosphère, on a trois inconnues à déterminer. Pour séparer les effets de l’atmosphère et les effets de la surface, il faut donc utiliser d’autres informations.

 

Méthode du pixel noir

Lorsque l’image contient une surface dont la réflectance est quasi nulle, la réflectance observée au sommet de l’atmosphère devient ρTOA= ρatm. On peut donc en déduire la réflectance atmosphérique, et en utilisant un modèle de transfert radiatif, l’épaisseur optique des d’aérosols. On peut enfin en déduire la transmission diffuse, et finalement calculer ρsurf. Une version encore plus simple et plus approximative consiste à soustraire directement la réflectance du pixel sombre (soit ρatm) à toute l’image. [Chavez, 1988]

 

Cependant, cette méthode revient à supposer qu’il existe bien une surface très sombre dans l’image (ce qui n’est pas toujours le cas), et que la réflectance de cette surface sombre est connue. La méthode suppose aussi que la quantité d’aérosols est constante dans l’image et elle néglige les effets du relief. Les résultats obtenus par cette méthode peuvent donc être assez imprécis. Dans notre méthode (MACCS), nous utilisons cependant la méthode du pixel noir déterminer la valeur maximale de l’épaisseur optique dans la zone.

 

Méthode Multi Spectrale, dite « DDV »

Si on connaît le type d’aérosols présent dans l’atmosphère, il est possible de déduire les  propriétés des aérosols dans une bande spectrale, à partir des propriétés optiques dans une autre bande spectrale.

 

Si on dispose de deux bandes spectrales, on dispose de deux mesures ρsurf et de trois inconnues( les deux réflectances de surface dans ces bandes, et la quantité d’aérosols). Une équation supplémentaire peut être obtenue si on connaît la relation entre les réflectances de surface des deux bandes.

 

La méthode  méthode « Dark Dense Vegetation » (DDV ) est basée sur des hypothèses de relations entre réflectances de surface sur la végétation dense exploitant le fait que le spectre de la végétation dense et verte est un peu toujours le même. La version la plus connue de cette méthode est celle utilisée par la NASA pour le projet MODIS [Remer 2005]. Elle relie les réflectances de surface dans le bleu et dans le rouge avec celles dans le moyen infra-rouge. On dispose ainsi de deux équations qui permettent d’estimer le type d’aérosols et l’épaisseur optique. Cette méthode fonctionne bien en zones tempérées et boréales, mais pas en zones arides, où il est difficile de trouver de la végétation dense. Les premières versions utilisaient les équations suivante :

 

ρBleu = 0.5 ∗ ρSWIR

ρRouge = 0.25 ∗ ρSWIR

 

Les versions suivantes ont un peu compliqué ces équations, sans en modifier le principe. Nos travaux ont montré que l’utilisation de l’équation ci dessous  (la valeur exacte du coefficient est à ajuster en fonction des bandes spectrales de l’instrument):

ρBleu = 0.5 ∗ ρRouge

 

permet une détermination plus précise de l’épaisseur optique, pour des couverts végétaux moins denses (jusqu’à un NDVI de 0.2), car les sols nus de couleur marron respectent aussi cette relation. La méthode ne permet pas, par contre, de déterminer le modèle d’aérosols. Dans le cas de SPOT4 (Take5) l’absence d’une bande bleue ne nous permet pas d’utiliser cette dernière équation, d’où une légère perte en précision.

Ce diagramme montre que la corrélation entre réflectances de surface au dessus de la végétation est bien meilleure pour le couple de bandes spectrales (bleu, rouge) que pour les couples incluant le moyen infra rouge. (SWIR)

 

Méthode Multi Temporelle

On observe dans la plupart des cas que les réflectances de la surface terrestre évoluent lentement avec le temps, alors que le propriétés optiques des aérosols varient très rapidement, d’un jour à l’autre. On peut donc considérer que ce qui change d’une image à l’autre (en dehors de cas particuliers souvent liées à des interventions humaines) est lié aux aérosols, et donc en déduire les propriétés des aérosols pour ensuite corriger les effets atmosphériques. Cette méthode est un peu trop complexe pour être expliquée en détails ici, les lecteurs intéressés pourront se reporter à [Hagolle 2008].

 

Pour que les réflectances de surface soient quasi constantes d’une image à l’autre, il faut cependant que les images soient acquises sous un angle de vue constant. Les changements d’angles d’observation font en effet varier les réflectances : c’est ce qu’on appelle les effets directionnels. Cette méthode ne s’applique donc qu’aux seuls satellites permettant des observations à angle constant.  Elle ne s’applique donc pas aux données SPOT normales mais par contre convient parfaitement aux données SPOT4 (Take5). Elle s’appliquera aussi à Landsat, Venµs et Sentinel-2.

 

En résumé :
Performance de l’estimation de l’épaisseur optique des aérosols sur des séries temporelles d’images Formosat-2,, en fonction de la méthode (multi-spectrale, multi-temporelle, combinée), par comparaison avec les mesures fournies par le réseau de mesures in-situ Aeronet. La méthode multi spectrale fonctionne mieux sur des sites couverts de végétation et moins bien sur des sites arides, la méthode multi-temporelle marche un peu moins bien sur les sites verts, mais beaucoup mieux sur les sites arides. La combinaison des deux méthodes garde le meilleur des deux méthodes élémentaires.

 

Notre méthode MACCS, utilisée pour l’expérience SPOT4 (Take5), et pour les données LANDSAT, VENµS et Sentinel-2, combine les trois méthodes présentées ci-dessus pour obtenir des estimations robustes des épaisseurs optiques d’aérosols. Ces méthodes fonctionnent dans un grand nombre de cas, mais peuvent parfois échouer quand les hypothèses sur lesquelles elles reposent s’avèrent fausses. Elles ont en général tendance à mieux fonctionner sur des zones couvertes de végétation plutôt que dans des zones arides. pour le moment, elles supposent le modèle d’aérosol connu, et dans les prochaines années, nous chercherons des manières fiables d’identifier le type d’aérosols.

 

References :
Chavez Jr, P. S. (1988). An improved dark-object subtraction technique for atmospheric scattering correction of multispectral data. Remote Sensing of Environment, 24(3), 459-479.

Remer, L. A., and Coauthors, 2005: The modis aerosol algorithm, products, and validation. J. Atmos. Sci., 62, 947–973.Hagolle, O and co-authors, 2008. « Correction of aerosol effects on multi-temporal images acquired with constant viewing angles: Application to Formosat-2 images ». Remote sensing of environment 112 (4)Hagolle, O.; Huc, M.; Villa Pascual, D.; Dedieu, G. A Multi-Temporal and Multi-Spectral Method to Estimate Aerosol Optical Thickness over Land, for the Atmospheric Correction of FormoSat-2, LandSat, VENμS and Sentinel-2 Images. Remote Sens. 2015, 7, 2668-2691.

2 thoughts on “L’estimation du contenu atmosphérique en aérosols

  1. Merci Olivier pour toutes tes explications sur la correction atmosphérique des images. Cela m’aide beaucoup pour rentrer dans ce sujet.

    1. C’est fait pour ! Ravi de te voir arriver sur ce projet d’ailleurs.\nDans quelques semaines, c’est toi qui contribues au blog ?\nAmitiés,\nOlivier

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