Le Monde.fr a publié un reportage frappant « Au Brésil, avec les policiers qui luttent contre la déforestation de l’Amazonie« . Le journaliste et photographe Bruno Kelly a suivi les agents de l’institut pour l’environnement et les ressources naturelles renouvelables (Ibama) dans les environs d’Apui, une petite localité isolée au sud de l’état d’Amazonas. Il écrit que « le chef de la police reconnaît que contrôler avec 1 300 agents une zone de la taille de l’Europe occidentale est une tâche pour le moins difficile ».

Comme nous l’avons déjà expliqué à Elise Lucet, le chef de la police peut compter sur de nouveaux alliés pour lutter contre la déforestation illégale : les satellites Sentinel-1 et Sentinel-2 du programme européen Copernicus. Ces satellites offrent des capacités d’observation de la Terre, dont les scientifiques osaient à peine rêver il y a quelques années encore. Sentinel-1 est un radar et Sentinel-2 un radiomètre, mais le point commun entre ces deux satellites est qu’ils « photographient » l’ensemble des terres émergées à haute résolution de façon répétitive. Ils se complètent donc bien pour détecter les changements rapides du paysage, comme la déforestation.  Sentinel-2 capture des images de la surface comme nos yeux peuvent la voir. Mais Sentinel-2 « voit » aussi la surface terrestre dans le moyen-infrarouge, ce qui permet de révéler les zones en train de brûler car leur température est suffisamment élevée pour qu’elles émettent du rayonnement thermique dans cette gamme de longueur d’onde.  Par exemple le reportage montre une photo aérienne du quartier Santo Antonio do Matupi sur laquelle on voit la fumée d’un feu de l’autre côté de la route transamazonienne.

Une image Sentinel-2 a justement été acquise le même jour sur ce secteur : la vision infrarouge permet de faire ressortir [1] des points chauds qui correspondent vraisemblablement à des feux de défrichage.

Une autre photo saisissante du reportage montre un bus sur la transamazonienne traversant une zone complètement brûlée.

Difficile de deviner où a été prise cette photo, mais on peut trouver à proximité de et le long de la transamazonienne des secteurs qui ont brûlé entre le 12 et 27 juillet comme par exemple sur ces images Sentinel-2 :

Malheureusement il y a quinze jours d’écart entre ces deux images et le chef de la police aimerait sans doute avoir des informations un peu plus précises. Pour cela on peut appeler Sentinel-1 à la rescousse. Comme c’est un radar, il n’est pas gêné par les nuages et donc on est sûr d’avoir des images exploitables tous les 12 jours (au moins).

Voici la comparaison de deux images Sentinel-1 acquises les 17 et 29 juillet.

 

On voit apparaître la zone brulée donc on combinant avec les informations obtenues par Sentinel-2, on peut réduire de 5 jours l’intervalle de temps au cours duquel s’est produit l’incendie (entre le 17 et le 27 juillet). Comme les données envoyées par les Sentinels sont mises à disposition gratuitement, chacun peut les explorer en ligne. Par exemple les images Sentinel-2 sont accessibles via le Sentinel Hub. On peut trouver un grand nombre de zones brûlées et des feux en cours dans cette région… Cliquer sur l’image ci-dessous pour la visualiser dans cette interface.

Notes

[1] « Visualizing (Wild)Fires in Sentinel-2 imagery through EO Browser » by Pierre Markuse https://pierre-markuse.net/2017/08/07/visualizing-wildfires-sentinel-2-imagery-eo-browser/ pour les utilisateurs avancés.

[2] Pour simplifier dans ce post nous avons assimilé feux et déforestation. Mais les zones brûlées ne sont pas forcément des zones récemment déforestées. Il peut s’agir de feux pour entretenir des pâturages déjà anciens (écobuages).

Ce post a été écrit sur une idée de Gérard Dedieu.

One thought on “Les Sentinels témoins de la déforestation en Amazonie

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