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Les lecteurs assidus de ce blog sont sans doute convaincus que les séries temporelles d’images satellites sont des données magnifiques pour décrire l’évolution de la surface terrestre. Les agences spatiales redoublent d’effort pour mettre à disposition des produits issus de ces observations afin de faciliter l’exploitation de ces données. Si on met à part l’auteur principal de ce blog (NDLR, inutile de le mettre à part, il est loin derrière), c’est la NASA qui a le plus contribué à diffuser des produits de télédétection avancés tels que la réflectance de la surface continentale ou des indices décrivant l’état de santé de la végétation. Ces produits sont commodes à utiliser mais ils peuvent aussi masquer des artefacts de mesure qui sont susceptibles de tromper des utilisateurs comme moi.

 Plusieurs équipes ayant utilisé les produits MODIS…

  • Plusieurs équipes ayant utilisé les produits MODIS « leaf area index » (LAI) ou « enhanced vegetation index » (EVI) distribués par la NASA ont cru voir que la forêt amazonienne verdissait durant la saison sèche, qui est aussi la plus ensoleillée. Ils en ont déduit que la croissance de la forêt n’était pas limitée par la disponibilité en eau dans le sol, mais plutôt par la quantité de rayonnement.
  • Plusieurs équipes ayant utilisé les produits MODIS « snow albedo » ou « surface reflectance » distribués par la NASA ont cru détecter un assombrissement de la surface groenlandaise, y compris dans les zones proches du sommet où la neige fond très rarement. Ils en ont déduit que le contenu en impuretés dans la couche neige de surface avait augmenté à cause d’un apport de poussières minérales ou organiques depuis l’atmosphère.

Ces deux études ont des implications importantes pour la compréhension et l’anticipation du changement climatique. Que deviendra la forêt amazonienne si le climat s’assèche ? A quel rythme va fondre la calotte groenlandaise si les impuretés continuent à s’accumuler ?

Wait a minute

Les résultats de ces études ont été réfutés et attribués à des effets de capteur. Pour la forêt amazonienne, il s’agissait d’un effet directionnel causé par l’angle du capteur MODIS par rapport au soleil : à la fin de la saison sèche, le capteur est aligné avec le soleil ce qui augmente la reflectance dans les bandes NIR et rouge et donc entraine une augmentation apparente des indices LAI ou EVI. Cette augmentation disparaît si cet effet géométrique est corrigé (Morton et al., 2014). Dans le cas de Sentinel-2, qui observe quasiment à la verticale, ces effets seront atténués mais pas totalement éliminés. Pour la neige groenlandaise, Polashenski et al. (2015) viennent de montrer que le vieillissement du capteur MODIS à bord du satellite Terra pouvait suffire à expliquer les tendances à l’assombrissement. La détérioration de la sensibilité du capteur est un phénomène normal qui doit être corrigé dans la nouvelle version des produits MODIS (collection 6). La correction de cet effet pourrait même permettre de résoudre d’autres questions qui agitent la communauté scientifique comme le problème d’un mystérieux puits de carbone manquant (Lyapustin et al., 2014)…

Méfiez-vous des gens qui vous disent de vous méfier…

Bien-sûr ces exemples sont rares et ne doivent pas jeter le discrédit sur les produits de la télédétection. La seule morale est qu’il faut continuer à exiger de nos agences des produits de qualité accompagnés de leur incertitudes, et jeter un coup d’oeil à la doc.. La diffusion de données même imparfaites permet aussi d’accélérer le processus de mise à jour et de correction des produits, et ainsi d’engager un cercle vertueux entre utilisateurs et producteurs de données spatiales.

Figure: Evolution de la réflectance de la bande 3 du produit L1B sur un site désertique stable en Libye (noir : collection 5, rouge : collection 6). La détérioration du capteur MODIS ne concerne pas le satellite Aqua qui est plus récent. (d’après Lyapustin et al., 2014).

Références

Lyapustin et al. (2014). Scientific impact of MODIS C5 calibration degradation and C6+ improvements, Atmos. Meas. Tech., 7, 4353-4365, doi:10.5194/amt-7-4353-2014.

Morton et al. (2014). Amazon forests maintain consistent canopy structure and greenness during the dry season. Nature, 506 (7487), 221-224, doi:10.1038/nature13006

Polashenski et al. (2015). Neither dust nor black carbon causing apparent albedo decline in Greenland’s dry snow zone; implications for MODIS C5 surface reflectance. Geophysical Research Letters. 42, doi:10.1002/2015GL065912.

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