=>Franck Roux a prononcé cette phrase lors de sa conférence « Faut-il avoir peur du changement climatique » donnée à l’Université Paul Sabatier le 10 décembre 2015 (je cite de tête) : 

« L’être humain est un très bon capteur météorologique, mais il est un piètre capteur climatologique. »

 Puisque notre mémoire peut nous jouer des tours, les archives satellites sont précieuses. Comme nous l’avons vu dans un article précédent, l’enneigement en janvier 2016 était plutôt déficitaire dans les Pyrénées. On peut reconstituer l’enneigement à l’échelle des Pyrénées depuis l’an 2000 avec MODIS voire 1998 avec SPOT-VGT. En revanche si on veut zoomer sur un massif en particulier, la résolution spatiale offerte par ces capteurs devient vite insuffisante et il faut se tourner vers l’archive Landsat. 

Surface enneigée le 10 janvier 2016 sur le Canigou. A gauche la surface enneigée est issue du produit neige MODIS, à droite elle a été calculée à partir d'une image Landsat-8.
 Landsat-5 a fonctionné 29 ans depuis 1984, Landsat-7 a été lancé en 1999 mais depuis 2003 les données sont dégradées à cause d’une défaillance du capteur. Depuis 2013, Landsat-8 a pris le relais. Un souci avec l’archive Landsat est que la fréquence des observations est faible. De plus la série Landsat-5 n’est pas continue. Les données Landsat orthorectifiées par l’USGS (niveau L1T) sont accessibles dans le Google Earth Engine, ce qui permet d’extraire rapidement la série d’images disponible sur le massif du Canigou depuis 1985. Pour 2016, on a gardé le produit L2A qui a servi à faire la carte ci-dessus.
Série d'images Landsat montrant le massif du Canigou au mois de janvier. En fait il s'agit de composites générés à partir de toutes les images disponibles dans le mois de janvier (donc deux au maximum). Le composite est produit sur la base d'un score de nuage qui permet de privilégier les pixels clairs. Les sous-titres indiquent l'année et le type de capteur Landsat. Les stries noires sont causées par une défaillance de Landsat-7 après 2003.
 
Masque de neige en janvier 1985 sur le massif du Canigou (trait jaune).
Ces images n’ont pas été corrigées des effets atmosphériques ni des effets de pente donc la détection du manteau neigeux est beaucoup moins fiable qu’avec les produits L2A fournis par THEIA. Avec un seuillage simple sur le NDSI et la bande rouge on peut néanmoins parvenir à extraire un masque de neige grossier pour comparer les années entre elles. Pour résoudre le problèmes des lacunes dans les images Landsat-7 (les stries visibles sur les images ci-dessus) on peut calculer la fraction enneigée sur la partie de l’images sans lacunes seulement et faire l’hypothèse que cela représente bien la fraction enneigée totale. Une autre option est de boucher les trous à partir des pixels voisins. Ici on a appliqué gdal_fillnodata.py qui utilise une pondération à l’inverse de la distance mais il existe des méthodes plus raffinées. 
Surface enneigée en janvier sur le massif du Canigou calculée à partir de données Landsat (en % de la zone de 224 km²). LE7: Landsat-7, LC8: Landsat-8, LT5: Landsat-5. L1T et L2A indiquent le niveau de traitement. Le suffixe fill indique les images dont les lacunes ont été interpolées. On a retiré l'images Landsat-5 de 2010 car elle était trop nuageuse.
 On remarque un bon accord entre les surfaces données par Landsat 5 et 7 lorsque la comparaison est possible (en 2002 et 2011). De même, l’interpolation des lacunes pour les images Landsat-7 ne change pas beaucoup la fraction enneigée. Ou plutôt, les différences sont bien plus faibles que les différences inter-annuelles. Enfin, on constate que le Canigou a sans doute connu des hivers plus ingrats… Il faut faire attention à ne pas surinterpréter cette série temporelle car chaque image n’est pas forcément représentative de la totalité du mois de janvier. Une acquisition par temps clair peut avoir lieu juste avant une chute de neige. Ce qui frappe malgré tout, c’est la forte variabilité de l’enneigement sur ce massif, qui reflète bien l’influence du climat méditerranéen sur les Pyrénées orientales. Nota Bene: Le Canigou a inspiré le poète catalan Jacint Verdaguer qui compare ses crêtes enneigées à un magnolia (version originale sur Wikipedia) : 

Le Canigou est un immense magnolias’épanouissant sur un rejeton des Pyrénées;ses abeilles sont les fées qui l’entourent,et ses papillons, les cygnes et les aigles.Des crêtes écorchées forment son calice,d’argent l’hiver, et d’or l’été,grandiose verre où l’étoile boit des parfums,l’air la fraîcheur et les nuages l’eau.Les forêts de pins sont ses étamineset les étangs ses gouttes de roséeet son pistil est ce palais d’or,rêve de nymphe qui descend du ciel.

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