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La télédétection satellite optique est un outil formidable pour suivre l’étendue du manteau neigeux en montagne… sauf quand il y a des nuages ! La télédétection radar du manteau neigeux (indifférente aux nuages) n’est pas encore opérationnelle en zone de montagne, notamment en raison du fait que le signal rétro-diffusé par le manteau neigeux varie très fortement avec son contenu en eau liquide. Sur le plancher des vaches, en revanche, de nombreuses personnes observent le manteau neigeux, même sous un ciel couvert. Certains sont même assez gentils pour prendre des photos, les télécharger sur un site web de partage, et les mettre à disposition sous licence publique. Une bonne partie des photos est géolocalisée, soit parce que l’appareil photo est équipé d’une puce GPS, soit parce que le photographe a lui-même ajouté les coordonnées de la prise de vue lors de la publication de son album.

Il y a quelques années j’avais souhaité regarder d’un peu plus près le potentiel du site de partage de photos Flickr pour suivre l’enneigement. Avec l’API (application programming interface) Flickr, j’ai interrogé la base de données pour obtenir toutes les métadonnées contenues dans les photos qui ont été taggées au moins une fois avec un de ces mots-clés « neige », « snow », « nieve », « neu » (neige en français, anglais, espagnol et catalan). La requête était restreinte aux photos géolocalisées dans les Pyrénées. En utilisant la date de prise de vue indiquée dans les métadonnées de chaque image, on obtient une série temporelle du nombre de photos « nivales » prises par mois :

Le nombre de photos publiques disponibles sur une période donnée dépend de plusieurs facteurs qui ne sont pas forcément reliés aux conditions d’enneigement, comme par exemple la popularité de flickr, ou le développement de la photographie numérique. Pour éliminer ce « bruit », j’ai réalisé une deuxième requête pour obtenir les métadonnées des photos taggées avec au moins un de ces mots-clés « chat », « gat » or « gato ». J’ai exclu le terme anglais « cat » pour ne pas récupérer les photos provenant d’Amérique du Nord où flickr est devenu populaire bien plus tôt qu’en Europe.

Le nombre de photos de chat par mois peut être modélisé simplement par une fonction de Gauss. Ce modèle permet de normaliser la série précédente du nombre de photos de neige par mois. La série temporelle obtenue par cette méthode est appelée « snow picture index » ci-dessous :

La comparaison de cette série avec celle de la surface enneigée dans les Pyrénées obtenue à partir des observations satellite MODIS montre que la méthode des chats fonctionne plutôt bien. Le coefficient de Spearman passe de 0.5 à 0.8 après correction féline. Les deux séries sont présentées ci-dessous après les avoir ramenées entre 0 et 1 :

Cette étude est limitée entre 2003 et 2011. Depuis 2011, le développement des smartphones avec GPS et appareil photo intégrés a fait exploser le nombre de photos geolocalisées. Comment exploiter cette mine d’information pour en tirer des données pertinentes sur l’enneigement ? Ici je me suis basé sur les mots-clés qui sont renseignés par les utilisateurs de flickr. Pour aller plus loin il faudrait peut-être trouver un moyen automatique de détecter la neige dans des photos sans mots-clés. Pour avoir une idée de la difficulté que cela représenterait j’ai utilisé une nouvelle fois l’API flickr pour télécharger une partie (un dixième) des photos obtenues par la première requête « neige ». Grâce à l’outil montage de Imagemagick, on peut rapidement examiner ces photos sous la forme d’une mosaïque de vignettes. J’ai pu constater qu’il y avait peu de déchêts dans les photos. Les mots-clés « neige » sont en effet des indicateurs assez robustes de la présence de neige dans les photos. Probablement plus efficaces que n’importe quelle méthode de classification automatique basée sur le contenu des photos (et qui puisse tourner sur mon ordinateur).

 

Echantillon aléatoire de photos disponibles sur flickr, géolocalisée dans les Pyrénées et taggées avec le mot-clé neige en français, anglais, catalan ou espagnol.

 

Un autre défi serait de projeter les pixels neige depuis la photo vers un système de coordonnées géographiques. Des chercheurs développent déjà des outils pour réaliser de façon automatique des cartes d’enneigement géoréférencées à partir de photos de flickr ou de webcams (voir Dizerens et al., 2016, ou encore ce papier très chouette que m’a signalé Fanny Brun : Fedorov et al., 2016). Pour ma part, j’ai d’autres chats à fouetter…

 

Merci mon petit

 

NB. Cette idée peut-être citée de la façon suivante : Gascoin, S. (2016). Using kittens to unlock photo-sharing website datasets. Journal of Brief Ideas, doi:10.5281/zenodo.44809.

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