=>Dans un billet précédent, je vous avais brièvement présenté:

  • les problématiques liées à la consommation en eau inhérente à la culture du maïs irrigué en France;
  • les projets de recherche relatifs à cette thématique dans lesquels le Cesbio est impliqué.

Pour classer les surfaces agricoles irriguées, en cours de campagne et à l’échelle d’un territoire, nous nous sommes, dans un premier temps, focalisés sur l’utilisation d’images satellitaires optiques.Dans les lignes qui vont suivre, je vais vous présenter le travail réalisé pour générer des cartes de cultures irriguées avec les séries temporelles Landsat-8 de niveau 2A mises à disposition par le pôle Theia.

Zone d’étude

 La zone d’étude qui a été retenue pour ce travail concerne en partie les périmètres de gestion, en Midi-Pyrénées, de la Compagnie d’Aménagement de Coteaux de Gascogne partenaire du CESBIO dans les programmes MAISEO et SIMULTEAU.Notre emprise englobe deux tuiles Landsat-Theia soit une superficie totale de près de 2,4 Millions d’ ha. Au sein de cette zone, les principales cultures cultivées en période estivale sont:

  • le maïs irrigué et le maïs non irrigué;
  • le soja qui est majoritairement irrigué;
  • le tournesol;
  • le sorgho.

 

Méthodologie

 

Pour répondre à notre problématique, nous nous sommes fixés deux axes de travail:

  • classer les cultures irriguées;
  • identifier la plage temporelle la plus restreinte possible qui permet de maximiser la qualité thématique des cartes.

 Pour ce faire, nous avons utilisé la chaîne de classification automatisée Iota 2 développée au Cesbio par l’équipe de Jordi Inglada. Avant de réaliser nos tests, nous nous sommes attachés à connecter l’outil sur la base de données du laboratoire qui centralise les images satellite utilisées dans les projets de recherche du Cesbio. L’utilisation conjointe de la base de données et de la chaîne Iota 2 permet de réaliser facilement des classifications à différentes échelles spatiales et temporelles. Les données d’apprentissage sont issues de relevés de parcelles réalisés par Claire Marais-Sicre et Marjorie Battude lors de la campagne de terrain de 2015. Nous disposons de 1332 échantillons pour l’entraînement du classifieur et la validation des cartes thématiques. Ces derniers sont répartis selon la nomenclature suivante:

  • maïs ensilage irrigué;
  • maïs grain irrigué;
  • soja irrigué;
  • maïs non irrigué;
  • sorgho;
  • tournesol.

La chaîne de traitement que nous avons retenue pour produire les cartes de cultures irriguées se décompose en deux étapes:

  • classification selon la nomenclature décrite ci dessus;
  • application du masque des cultures qui discrimine les cultures d’été de celles d’hivers1.

Dans la première phase de notre processus, nous avons utilisé la chaîne Iota2 entraînée avec une partie des échantillons pour produire une classification répondant à notre nomenclature.Nous avons ensuite appliqué le masque des cultures d’été sur cette dernière. Basé sur un seuillage multitemporel d’indices NDVI, le masque des cultures d’été permet de distinguer très tôt dans la saison (début juin) les cultures estivales des autres 1.Au final, nous disposons donc d’une image thématique qui traduit la répartition spatiale des cultures irriguées, de celles non-irriguées et des cultures d’hiver dans notre zone d’étude.

 

Résultats

 

Classifications en fin de campagne d’irrigation

  • Pour les tests de classification en fin de campagne (fin août), nous avons utilisé une série temporelle de 34 images Landsat-8. Avec plus de 92.3% de pixels bien détectés et un indice Kappa de 0.84, les résultats sont satisfaisants.
  • En fin d’année, nous avons utilisé une série temporelle de 53 images Landsat8. Avec une précision globale de 92.8% et un indice Kappa de 0.85, les résultats sont du même ordre que ceux de fin campagne.

Il apparaît donc clairement que l’utilisation d’images acquises après la fin de campagne d’irrigation ne constitue pas un gain majeur dans le processus de classification.

Classifications en cours de campagne d’irrigation

Pour les classifications en cours de campagne, nous nous sommes concentrés sur 2 périodes:

  • début mars à fin juin pour une détection précoce;
  • début mars à fin juillet pour une détection plus tardive.

Pour la période détection précoce, les performances de classifications  sont plus faibles que pour celles obtenues en fin de campagne mais restent tout de même encourageantes. En effet avec 24 et 27 images introduites dans la chaine Iota 2, nous obtenons une précision globale de 85% de pixels bien classés pour les 2 périodes identifiées. 

Estimations des surfaces irriguées

La connaissance de la répartition spatiale des cultures irriguées et de l’estimation des surfaces irriguées, méconnue de la communauté, constitue un enjeux important pour les gestionnaires de l’eau. Jusqu’en 2009, les intentions d’irrigations des exploitants étaient synthétisées dans le Registre Parcellaire Graphique (RGP), mais ce n’est plus le cas. Dorénavant, à l’aide de la carte issue de notre chaîne de traitements, il nous est possible d’estimer les surfaces irriguées à différentes échelles (région, département, bassin versant, etc). En 2015, nous estimons à près de 195 837 ha la surface totale des cultures irriguées sur la zone étudiée. Conformément aux observations, avec 85 % de la sole irriguée, le maïs grain constitue la principale culture irriguée. A cheval sur les 3 départements du Gers, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques, le bassin versant de l’Adour-amont est particulièrement concerné par l’irrigation. En effet,  celle-ci occupe près de 13% de la surface totale du bassin versant (avec environ 16 800 ha de maïs et 1600 ha de soja).

Du travail en perspective

 

Comparaisons des estimations des surfaces irriguées  dans les départements du Gers et de Haute Garonne
Département Culture Total par culture irriguée (2015) Données Agreste 2010 Différence
Gers Maïs 41136 48427 7291
Gers Soja 13098 7506 -5592
Total 54234 55933 1699
Haute Garonne Maïs 20845 21484 639
Haute Garonne Soja 5888 3611 -2277
Total 26733 25095 -1638

 Même si les résultats obtenus semblent satisfaisants, des marges de progrès subsistent. En effet, les estimations des surfaces par culture à l’échelle des départements du Gers et de Haute Garonne montrent:

  • une sous estimation des surfaces de maïs irrigué 2 3;
  • une sur estimation des surfaces de soja irrigue 2 3.

 L’analyse de la matrice de confusion nous indique qu’il existe des confusions entre les pixels de maïs irrigué et de soja. En vue d’améliorer la qualité thématique de nos cartes, de nouvelles perspectives de travail s’ouvrent à nous:

  • l’utilisation des images Sentinel-2 qui présente l’avantage de proposer 12 bandes spectrales (7 pour Landsat8-Theia), une résolution de 10 m (30 m pour Landsat8) et une répétitivité améliorée
  • l’apport des images radar Sentinel-1 dans le processus de classification des cultures irriguées.

Depuis bientôt 6 mois, Olivier Lienhard, qui est en stage au Cesbio dans le cadre du projet Casdar SIMULT’EAU, travaille sur la méthode de classification des cultures irriguées sous l’encadrement de Valérie Demarez et Frédéric Baup. Son stage touche au but et apporte des premiers résultats sur l’apport du radar qui vous seront présentés prochainement.

Sources:

1 Claire Marais Sicre, Jordi Inglada, Rémy Fieuzal, Frédéric Baup, Silvia Valero, Jérôme Cros, Mireille Huc and Valérie Demarez, « Early Detection of Summer Crops Using High Spatial Resolution Optical Image Time Series »,Remote Sensing, Vol 8, July 2016

2 http://www.lrmp.chambagri.fr/uploads/media/Agriculture_en_bref_2012_32.pdf

3 http://www.lrmp.chambagri.fr/uploads/media/Agriculture_en_bref_2012_31.pdf

 

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